Le théâtre documentaire a un bel avenir ! Apparu sur nos scènes au cours de la dernière décennie, cet heureux mélange de fiction et de vulgarisation scientifique prouve encore une fois son efficacité pour notre plus grand plaisir.

Dans le cadre du Carrefour international de théâtre, Dominique Leclerc et son équipe proposent un amalgame d’autofiction, de documentaire et de performance autour de la délicate question de l’humanité 2.0.

Atteinte d’un diabète de type 1, Dominique Leclerc (co-dir. et comédienne pour la compagnie Les Biches Pensives) cherche le moyen de remplacer son glucomètre datant des années 80 par une technologie moins coûteuse et plus performante. Sa quête la mène de Montréal à la Silicon Valley, en passant par Berlin, où elle finira par accepter l’implantation d’une micropuce RFID dans une main.

Cette quête minutieuse, qu’elle poursuit depuis 2013 auprès de biohackers et geeks transhumanistes, s’entrelace d’une réflexion philosophique sur le corps laboratoire, le corps véhicule, le corps comme finalité de l’existence. Entre l’adhésion et la dénonciation, le propos fouille toutes les facettes de la question, de la fascination de la découverte à l’hystérie posthumaniste concrétisée par l’université de la singularité de Google, de la critique aiguë du phénomène à un regard tendre sur la tragédie humaine de la finitude et du dépérissement de l’âge.

Dans ce voyage qui la mène chez les adeptes de la cryogénie, des cyborgs et de la création d’avatars, Dominique Leclerc est solidement entourée par Cadie Desbiens (artiste-codeuse nommée Push 1 stop) qui se charge de la vulgarisation scientifique, par Didier Lucien (comédien) qui incarne tour à tour, avec humour et vérité, les divers intervenants rencontrés au fil du parcours. Dennis Kastrup, journaliste allemand et mari de Dominique, livre les éléments autobiographiques de leur histoire d’amour avec une spontanéité désarmante. Enfin, des stratagèmes scéniques simples et efficaces, entrecoupés de montages vidéo, ont été imaginés par Édith Patenaude et Patrice Charbonneau-Brunelle.

L’enchaînement dramaturgique est très finement construit. Happé par cette avalanche d’informations scientifiques, de découvertes déstabilisantes et de touchantes révélations, le cerveau surchauffe, et on voudrait bien, pendant un bref instant, profiter, nous aussi, de cette humanité augmentée.

Bravo à toute l’équipe de Post-Humains, merci au Carrefour international de théâtre de nous en faire profiter, et longue vie au théâtre documentaire !