Artiste de cirque (promotion 1985 du Centre National des Arts du Cirque), Johann Le Guillerm crée sa propre compagnie « Cirque ici » en 1994. Le Pas Grand Chose s’inscrit dans la continuité des recherches sur les points de vue qu’il a entamé en 2001 avec le projet Attraction.

Attraction est une reconstruction poétique, une philosophie « qui pense le tour d’un sujet au pied de la lettre » et qui se décline sous plusieurs formes: spectacles sur piste, outils d’observation, performance, sculptures en mouvement, poèmes graphiques, expérience culinaire.

Dans Le Pas Grand Chose, Johann Le Guillerm prend la parole sur scène pour la toute première fois sous la forme ritualisée de la conférence: discours, plateau, micro, et s’amène avec un établi à multiples tiroirs sur lequel il opérera différentes démonstrations et expérimentations filmées par deux caméras et retransmises sur grand écran face au public. D’autres images pré-filmées alternent avec celles en direct.

Le mode de la conférence permet d’adopter une posture très repérée de transmission d’un savoir mais qui appartient au scientifique ou à l’intellectuel. Je souhaite m’emparer de ce moyen pour y parler de la science de l’idiot, ma science – Johann Le Guillerm.

Obsédé par les mystères de la mathématique et de la physique, il tente de recomposer le monde à partir de ses propres observations sur la calligraphie des chiffres, les capacités des formes et les mystères du mouvement. Ainsi, nous apprendrons à différencier une banane qui ne peut rien faire d’une banane qui sait faire quelque chose et nous saurons désormais que les formes d’épluchure de clémentine mènent à un dictionnaire des flaques.

Le ton professoral ajoute au comique des expérimentations et, au fil du spectacle, les jeux de mots et de formes se conjuguent et se fusionnent pour aboutir à la science du trétra-rond et du spir-droite, de la morpho-cinétique, de la mutation morphographique, et de l’archi-mouvement. Tout s’entremêle dans un joyeux chaos où l’on perd définitivement le nord et où l’on doit admettre que la pensée peut se rendre très loin à partir de pas grand-chose et qu’à force de modifier les points de vue, des perspectives insoupçonnées s’ouvrent devant nos yeux écarquillés.

Mais comme nous le dit explicitement l’artiste, un bon chercheur doit être idiot puisque s’il savait, il n’aurait pas à chercher et qu’il est admis, depuis lontemps, que l’homme peut raconter n’importe quoi.

Avec une grande maîtrise de l’absurde, Le Guillerm nous oblige à se reconnecter avec notre âme d’enfant dans la grande tradition du clown de cirque.