Au Québec en 2015, plus de 500 millions de contenants à remplissage unique consignés n’ont pas été retournés à des détaillants autorisés, sur un nombre total de vente de plus de 2 milliards de contenants. Certains contenants sont rejetés dans l’environnement. D’autres sont jetés dans les poubelles ou dans les bacs de récupération. Est-il étonnant, sachant cela, que des personnes se lancent à la recherche de contenants consignés là où ils se trouvent pour gagner un peu d’argent?
Au lendemain du spectacle de la Saint-Jean-Baptiste qui s’est tenu sur les plaines d’Abraham, un groupe de bénévoles a tenu un point de dépôt des contenants consignés sur le stationnement de la caisse populaire de Québec. Cette activité, baptisée les Valoristes, est le fruit d’une collaboration des conseils de quartier de Saint-Roch et de Saint-Jean-Baptiste.
Les responsables du projet sont Véronique Chabot, présidente du conseil de quartier de Saint-Roch, et Damien Morneau, trésorier du conseil de quartier de Saint-Jean-Baptiste. Le concept est simple : les personnes qui le souhaitent peuvent rapporter des contenants consignés. Les bénévoles font le tri des matières ainsi récupérées et la consigne leur est versée sur place.
- À pied ou en voiture, certains venaient avec de grandes quantités. Crédit photo: Fabien Abitbol.
- Chaque contenant est trié par les bénévoles
- On comptabilise la valeur de la consigne et on verse la somme immédiatement au récupérateur ou à la récupératrice. Crédit photo: Fabien Abitbol.
- Le verre est séparé selon sa couleur pour en permettre le recyclage ou la réutilisation.
Pourquoi offrir un point de dépôt mobile?
Les récupérateurs informels font des pieds et des mains jour après jour pour valoriser le contenu de nos sacs de déchets et de recyclage. Malheureusement, leur activité est souvent mal perçue, en partie parce qu’il s’agit de personnes qui vivent un peu en marge de la société, mais aussi parce qu’on leur reproche parfois d’éventrer les sacs de poubelles. En effet, nos valeureuses et valeureux récupérateurs ne l’ont pas facile. Il est bien vrai que, pour se procurer les contenants consignés, ils et elles doivent adopter un comportement mal perçu. Une fois cette basse besogne faite, ils doivent aussi affronter les regards inquisiteurs des passants quand ils se présentent aux « machines à canettes ».
La récupération informelle des déchets est une activité pratiquée par plusieurs personnes, à Québec et ailleurs dans le monde. On estime qu’entre deux et six millions de personnes s’y adonnent (selon Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9cup%C3%A9ration_informelle_des_d%C3%A9chets). Après tout, ces « rebuts » ont une valeur et tout ce qui a de la valeur attire ceux et celles qui ont besoin d’un revenu d’appoint…
Leur activité n’a pourtant rien de répréhensible. Elle est même très utile d’un point de vue environnemental : les contenants consignés jetés à la poubelle à Québec ont de fortes chances d’aboutir à l’incinérateur, à moins que les valoristes les en détournent. Le taux de récupération des contenants à remplissage unique (CRU) oscille autour de 70% selon Recyc-Québec (source: https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/Fiche-info-consigne.pdf). La récupération informelle est ainsi un bon moyen d’améliorer ce taux.
Mais au-delà de la portée environnementale de ce projet, il y a l’impact humain. En réintégrant le contact de personne à personne, la récupération informelle est humanisée. Les récupérateurs informels sont accueillis avec un sourire au point de dépôt et on peut même y piquer une jasette. La valeur de la consigne des contenants rapportés leur est remise sur place, de main à main. Un petit geste qui donne chaud au cœur.
La récupération informelle consiste à trier et extraire manuellement des matériaux recyclables depuis les déchets, dans les poubelles ou les décharges – légales ou illégales. Le regard porté sur les personnes qui pratiquent cette activité est souvent dépréciatif.
Quelles sont les perspectives d’avenir de ce projet?
C’est forte d’une première expérience très prometteuse, au cours de laquelle plus de 4000 contenants consignés ont été récupérés en une seule journée l’an dernier que Véronique Chabot a su rallier notre quartier au projet. En plus d’avoir deux points de dépôt, la formule sera aussi étendue dans le temps. Ainsi, au lieu de n’offrir qu’une seule date, le point de dépôt mobile sera présent tous les dimanches de l’été sous les échangeurs situés près du Métro, dans Saint-Roch, et les 24 juin, 6 et 23 juillet à la Caisse populaire de Québec.
Véronique Chabot souhaite entraîner un changement d’attitude de la part des citoyennes et des citoyens de Québec. Ainsi, au lieu de jeter les contenants consignés qu’on ne souhaite pas retourner au détaillant, ils pourraient être offerts aux valoristes. Cela ne demanderait qu’un simple changement d’habitudes : séparer les contenants consignés des déchets domestiques pour les déposer dans un sac à part. Ce dernier pourrait être accroché à la porte, les jours de collecte des déchets, pour que les contenants soient valorisés. De plus, les sacs de déchets ne seraient plus éventrés pour en extraire le précieux contenant consigné.
Définition de valoriser, verbe transitif : « Faire prendre de la valeur à quelque chose. »
Dans le contexte de Québec, le contenant consigné jeté dans une poubelle n’a aucune valeur puisqu’il est destiné à un site d’enfouissement ou à l’incinérateur. Le recyclage informel permet de valoriser ce déchet en l’extrayant du sac et en le triant.
Vous serez peut-être surpris d’apprendre que ce n’est pas le contenant qui fait la consigne, mais bien son contenu. Vous l’aviez pourtant remarqué : un contenant en verre rempli de vin n’est pas consigné. La Société des alcools du Québec n’a donc pas l’obligation de manipuler des contenants consignés vides. Un contenant à remplissage multiple en verre contenant de la bière est consigné. Ainsi, les épiceries et les dépanneurs doivent offrir le service de retour des consignes. Véronique Chabot croit que le taux de recyclage serait amélioré si cette nuance était abolie. Recyc-Québec ira peut-être dans ce sens. En effet, une réflexion entourant la modernisation de la consigne est déjà entamée. Les objectifs de cette réflexion sont d’augmenter la performance du système et d’assurer son autofinancement.
Et vous, déposerez-vous vos contenants consignés à un endroit accessible pour les valoristes à compter d’aujourd’hui? Si vous souhaitez poser des questions concernant ce projet à Mme Chabot, contactez-là via l’adresse valoristesqc@gmail.com.
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