Nous voici sous les flocons et le vent d’une nouvelle bordée de neige. Une neige qui s’accumule sur la chaussée et les trottoirs de Saint-Jean-Baptiste, comme elle le fait depuis que le quartier s’est urbanisé… Comment vivait-on la neige dans le faubourg il y a 50 ou 100 ans? Et bien, on faisait avec, comme les photos d’archives nous le montrent…

Bordées qui finissent en bancs de neige, chaussée où la neige est d’abord tapée avant d’être enlevée, et des rues parfois bien plus impraticables qu’aujourd’hui. Vivre en ville l’hiver n’est pas de tout repos; aux logements mal-isolés où s’entassent les familles nombreuses s’ajoutent les monticules de neige dans les rues secondaires peu ou pas déneigées. Ce qui donne l’occasion d’admirer des bancs de neiges qui dépassent souvent les 15 pieds de hauteur.

La Rue O’Connell l’hiver, avec des enfants dans la rue (vers 1900). La rue O’Connell a disparu dans la rénovation urbaine des années 1960-1970. Aujourd’hui, c’est le boulevard René-Lévesque et le centre des congrès qui se trouvent à son emplacement. Source: BAnQ, Fonds J. E. Livernois Ltée

Voici un demi-stéréogramme représentant un groupe de personnes posant sur la rue Saint-Patrice enneigée à la suite d’une tempête, vers 1875. On voit, au loin, le clocher de l’église Saint-Jean-Baptiste. Source : Archives de la Ville de Québec

En dehors des artères principales, on déneige à bras d’hommes un passage étroit devant les maisons et les immeubles à logements, juste ce qu’il faut pour sortir et aller travailler ou se rendre au marché ou à l’épicerie.

Rue Saint-Patrick ou O’Connell, mars 1875. On voit des enfants (en culottes courtes pour certains!) jouer sur le banc de neige qui recouvre la chaussée. Seul un espace d’un mètre de large est dégagé devant les entrées des maisons. Source: Archives de la Ville de Québec, Collection Pierre Lavoie.

Rue du quartier en hiver, vers 1870. Source: BAnQ, L. P. Vallée, Portrait and Landscape Photographer, Quebec.

Et puis, il faut parfois faire un peu preuve d’imagination pour rentrer chez soi.

Rue d’Artigny, mars 1900. Vue rapprochée d’une porte provisoire sous un tunnel de neige devant la résidence à l’angle de la rue Saint-Amable. Source: BAnQ

Il s’agit d’un demi-stéréogramme représentant un étroit passage déblayé avec, d’un côté, un important amoncellement de neige et de l’autre, les façades voisines de plusieurs bâtiments. Les personnes dans le passage donnent une idée de la hauteur de l’amoncellement de neige. On imagine que ce n’est pas très sécuritaire, et que les accidents pouvaient arriver… Source: Archives de la Ville de Québec.

Bien entendu, la rue Saint-Jean, artère commerciale, est déneigée, pour faciliter le passage des marchandises, des personnes, et du tramway. On notera, non sans ironie, que le déneigement des trottoirs semblait plus prioritaire alors…

Maisons rue Saint-Jean, vers 1900. Source: BAnQ, Fonds Hethrington.

A l’époque où cette photographie est prise (vers 1900), la rue est encore en terre battue. Au centre se trouvent les rails du tramway hippomobile, et les trottoirs sont en bois. Sur la droite, l’épicerie et marchand de vin et liqueurs Jean-A. Moisan, qui vient de changer de propriétaire. Du côté nord se trouve le marchand de chaussures et bottes Joseph Demers. Son voisin est le « tobacconist » B. Houde and Company, suivi du commerce de Joseph Côté et Frères où on peut se procurer des marchandises sèches, des nouveautés, des chapeaux et des valises. À l’arrière-plan, on reconnaît l’église anglicane St. Matthew’s, aujourd’hui la Bibliothèque Claire-Martin.

Commerces situés sur la rue Saint-Jean, en 1947. Il y a, entre autres, les magasins J.D. Farmer, Simard & Voyer ainsi que le Salon Marceau. On voit un amoncellement de neige devant la boutique de J.D. Farmer. Source: Archives de la Ville de Québec.

Ke trottoir en escalier qui se trouve sur la rue Claire-Fontaine était déneigé, à l’inverse de la rue, ce 18 mars 1946. Source: Archives de la Ville de Québec.

Dans le quartier, comme ailleurs en ville, on vit avec l’hiver. Et ce n’est pas parce qu’on est en ville qu’on ne se déplace pas en traîneau, comme M. Ferdinand Bertrand sur cette photographie de 1904.

Vue rapprochée de monsieur Ferdinand Bertrand à son traîneau devant sa résidence à l’angle de la rue Saint-Simon, en hiver. Source: BAnQ, Fonds Fred C. Würtele.

Et puis, un peu plus tard, on n’hésite pas à venir faire réparer des engins un peu plus modernes dans un garage du quartier.

Source: BAnQ, Collection Magella Bureau.

Les joies du déneigement

On s’en doute, avec les quantités de neige qui tombent à Québec, nettoyer les rues et trouver un endroit où mettre la neige en attendant le retour d’un temps propice à sa fonte est un enjeu de premier ordre. Comme on l’a vu précédemment, on organise des corvées collectives de déneigement à la pelle, afin de dégager des chemins des petites rues. Mais le déneigement des axes plus importants est pris en charge par la Ville. Pendant très longtemps, le déneigement se fait à cheval, avec des tombereaux. La capacité de déneigement est donc considérablement moindre qu’actuellement.

Tombereaux à neige, 12 janvier 1959, Il s’agit d’une vue arrière du garage municipal de la haute-ville. Il était situé juste en arrière de l’École des beaux-arts, entre Saint-Joachim et Saint-Patrice. Source: Archives de la Ville de Québec.

Progressivement, le déneigement se mécanise. Les voies du tramway sont déneigées par un « sweeper« , un sorte de gros balai installé à l’avant d’une rame.

Sweeper (balayeuse) devant le garage construit entre les rues Marchand et Racine (il s’agit du garage de l’îlot Irving), vers 1900. Source: BAnQ, Fonds J. E. Livernois Ltée.

Par la suite, les tramways sont équipés de lames biaisées, permettant d’écarter la neige des rails.

Tramway chasse-neige, vers 1920. Source: Archives de la Ville de Québec.

Tramway chasse-neige, vers 1920. Source: Archives de la Ville de Québec.

La Ville s’équipe ensuite de camions permettant de déneiger les rues.

Souffleuse à neige en hiver, en 1941. Source: Archives de la Ville de Québec.

Souffleuse à neige de marque Sicard, 1939. Source: Archives de la Ville de Québec.

Et où finit donc toute cette neige que l’on retire des rues du Faubourg? Oh, pas très loin… En bas du Coteau Sainte-Geneviève notamment, beaucoup moins boisé que de nos jours. En effet, pendant de nombreuses années, la neige est simplement déversée en bas de la rue Philippe-Dorval (alors rue Racine). Le dépotoir à neige se trouve officiellement sur la rue Arago, là où se trouve aujourd’hui un bâtiment abritant notamment Hatem +D.

Photographie représentant l’escalier de la rue Racine. À l’avant-plan, on y voit le dépotoir à neige de la rue Arago, le 27 mai 1943. Source: Archives de la Ville de Québec.

Dépotoir à neige situé rue Arago, 1er mai 1946. Source: Archives de la Ville de Québec.