Le lien entre la haute et la basse-ville n’a longtemps été qu’un escalier. Ce n’est qu’au début des années 1940 que l’on construit un ascenseur, destiné à améliorer la connexion, et à soulager les mollets fatigués. Voici son histoire.

Tout débute par un escalier, qui a déjà la forme qu’on lui connaît aujourd’hui. Sa construction commence en 1888, et s’achève un an plus tard. C’est à l’été 1888 que la Ville confie le projet au forgeron Louis Duquet et au mécanicien F.X. Drolet. Ils doivent construire un escalier de fer pour remplacer l’ancien qui était en bois. L’ingénieur Charles Baillairgé en fait le dessin et le plan. Initialement, la charpente était couronnée de ce qu ’on appelait un palier de repos, que l’on peut voir dans les deux photos ci-dessous. Des bancs furent installés sur ce palier, pour se reposer et profiter de la vue.

L’escalier du Faubourg avant 1900. Collection iconographique de la Ville de Québec. Source

Vue depuis le deuxième pallier de l’escalier, en 1895. Fonds Philippe Gingras, BAnQ.

En fait, ce n’est ni la basse ville ni la haute ville, c’est la ville du milieu, l’ascenseur ne se rendant pas au niveau le plus haut de la ville ni au niveau le plus bas.

Le Soleil, 10 avril 1999 

L’ascenseur Jacques Gosselin

Un premier projet d’ascenseur est présenté en 1937, qui est repris en 1941 par le promoteur Jacques Gosselin (d’où le nom qui sera accolé à l’ascenseur pendant des années). Sa construction débute au printemps 1942. Ses plans comportent la construction d’un édifice pouvant recevoir deux cages d’ascenseur, même s’il est prévu au début qu’un seul ascenseur fonctionne. Il peut transporter 16 personnes à la fois et parcourir 300 pieds à la minute, permettant de faire l’aller-retour en un minute. Un conducteur s’occupe alors de l’ascenseur.

Carte postale, après 1942. Source: BAnQ

A cette époque, l’ascenseur est payant, même si le propriétaire annonce que “les prix seront à la portée de tous les citoyens”. L’ascenseur est ouvert de 6 heures du matin à 1 heure de la nuit. Tout est bon pour rentabiliser l’ascenseur, pour lequel Jacques Gosselin possède une concession initiale de 50 ans. Un contrat le lie d’ailleurs avec la Cité de Québec, car l’ascenseur est considéré comme un transport en commun. Signé le 12 novembre 1941, le contrat stipule qu’un prix de 2 sous par personne ou sept pour 10 sous pour les enfants ou écoliers devrait être chargé et ce pour une période de 50 ans.

Comme on peut le constater sur cette photo datée du 22 décembre 1948, l’ascenseur est un immense panneau publicitaire, tant sur sa structure qu’au sol. On y voit par exemple une publicité pour les Fourrures J.O. Nadeau, qui se trouvent un peu plus haut sur la Côte d’Abraham. Archives de la Ville de Québec.

On le voit également dans cette photographie, datée du 29 janvier 1950, Une immense publicité pour les magasins Pollack couvre la moitié de l’ascenseur, et est visible de très loin. Archives de la Ville de Québec.

En 1954, Jacques Gosselin procède à une hausse unilatérale des tarifs, une parmi tant d’autres. Si le passage était de deux sous en 1941, il passe à 3 sous (et 4 billets pour 10 sous) trois ans plus tard, sans que la Ville en soit informée, pas plus que la Régie des Services Publics. Quelques années plus tard, le prix passe à 5 sous (ou trois pour 10 sous), et 6 billets pour 25 sous en 1954, une situation dénoncée dans les journaux de l’époque.

L’ascenseur est à proximité immédiate de l’ancien immeuble du Soleil, comme on peut le voir sur cette photographie de 1948. Le commerce au rez-de-chaussée sera d’ailleurs longtemps considéré comme le casse-croûte par excellence pour les centaines d’employés que compte alors le journal.

L’Édifice du Soleil se trouvait alors au carrefour de la rue St-Vallier, de la côte d’Abraham et de la rue de la Couronne. Sur cette photographie datée du 22 décembre 1948, on peut voir l’ascenseur sur la gauche, avec des panneaux publicitaires pour UNIC et J. O Nadeau Fourrures. Archives de la Ville de Québec.

En novembre 1959, deux pompiers sont brûlés par de la graisse (de patates-frites) en flamme, à cause d’un incendie qui ravage le comptoir-lunch du rez-de-chaussée. Les dommages dans l’établissement sont considérables, les pompiers ayant dû éventrer un mur pour maîtriser les flammes.

En avril 1965, sans doute en raison du dégel, d’énormes blocs de pierre se détachent de la falaise (voir ci-dessous l’article du Soleil, daté du 19 avril 1965). Les panneaux publicitaires sont arrachés, le réservoir en métal pouvant contenir 1,000 gallons d’huile de chauffage et servant à alimenter la fournaise de l’édifice est brisé dans l’éboulis et l’huile se répand au sol.

Sur cette photographie de février 1972, on peut voir qu’une tabagie-restaurant occupe le rez-de-chaussée de l’ascenseur. Voyez également comme les piétons ne sont pas protégés en sortant de l’ascenseur, à la différence d’aujourd’hui.Archives de la Ville de Québec, Fonds Gérard Donnelly.

L’ascenseur en 1975 (photographie prise le 5 mai 1975). Archives de la Ville de Québec.

La ville, demeurée propriétaire du terrain, reprend la gestion de l’ascenseur en 1978. Il est en piteux état et reste en panne jusqu’en 1981.

Sur cette photographie du 18 octobre 1971, on voit combien l’aspect extérieur de l’ascenseur Gosselin laisse à désirer. Du nom de son propriétaire, il ne reste qu’une moitié, l’autre étant tombée on ne sait où. L’édifice est toujours autant couvert de publicités. Source: Les Archives du Photographe, Jocelyn Paquet.

Cette photographie est datée du 24 juillet 1980. L’ascenseur est en travaux. Les piétons doivent s’armer de patience et utiliser l’escalier. L’édifice n’est plus un panneau publicitaire géant. Archives de la Ville de Québec.

L’ascenseur du Faubourg

L’ascenseur Gosselin devient l’ascenseur du Faubourg en 1981, après avoir fait l’objet de travaux et rénovations qui ont coûté près de 70.000$ à la Ville. Les travaux ont notamment permis d’automatiser son fonctionnement.

Photographie datée du 17 décembre 1984. En avant plan on voit une affiche publicitaire G. Lebeau. Source: Archives de la Ville de Québec.

C’est également à ce moment-là que son utilisation devient gratuite; il s’agissait d’une promesse électorale du Progrès Civique. C’est également à ce moment-là que se décide le mode de gestion de l’ascenseur, qui s’apparente à celle des casse-croûtes dans les arénas appartenant à la Ville. La Ville lance des appels d’offre, le soumissionnaire retenu s’engage à entretenir le lieu pendant quelques années, ce qui implique le ménage, fermer et ouvrir l’ascenseur sept jours sur sept. la Ville quant à elle entretient l’édifice et l’ascenseur. Par exemple, en 1998, c’est la Corporation de l’Îlot Fleurie qui récupère la gestion de l’ascenseur.

Il est difficile de retracer tous les commerces qui se sont installés au rez-de-chaussée de l’ascenseur, que ce soit du temps de Jacques Gosselin, ou depuis que la Ville a récupéré la gestion de l’ascenseur. On y trouvait par exemple le Restaurant Elevatoria en 1954, le Scoop Café en 1993, qui propose des pizzas, sous-marins, et salades. En 1999, c’est une nouillerie qui ouvre, gérée par la Corporation de l’îlot Fleurie. De gros travaux sont faits en 2015, qui donnent au café son aspect actuel, avec un petit coin bibliothèque.