Nous avons appris hier la disparition de Marc Boutin, infatigable figure militante bien connue du quartier, et dont le nom est indissociable des luttes urbaines des 50 dernières années.
Sa grande silhouette de dandy longiligne n’arpentera plus les rues d’un quartier qu’il a tant aimé, au point de lui consacrer toute une vie militante, s’attachant avant tout à faire avancer des projets d’urbanisme à échelle humaine. Difficile de résumer plus de 50 ans d’engagement en quelques lignes, pour ce géographe, formé en architecture, qui n’a jamais manqué d’énergie ou de combativité dans tous les projets d’urbanisme et de transformation des quartiers centraux.
Un engagement qui débute lorsque l’on rase le quartier chinois et des pans entiers du quartier Saint-Jean-Baptiste pour faire passer des bretelles de l’autoroute Dufferin-Montmorency (aujourd’hui Honoré-Mercier). Si les balafres urbaines marquent encore le centre-ville, c’est le début d’un mode de réflexion collective qui met le citoyen au cœur des luttes, et de luttes qui se font dans la rue plutôt que dans des bureaux de fonctionnaires ou dans des partis politiques.
Car les luttes n’ont pas manqué: îlot Berthelot, îlot Irving (qui deviendra le Tandem), cour de l’école Saint-Jean-Baptiste, patro Saint-Vincent-de-Paul, rues partagées, Marc Boutin a voulu rêver des quartiers centraux qui respectent celles et ceux qui y vivent et qui s’y déplacent. Parfois ces projets ont abouti, parfois non. Ce qui n’a jamais découragé Marc, qui continuait à proposer des projets.
Impliqué dans plusieurs comités citoyens depuis les années 1970, ancien permanent du Comité populaire Saint-Jean-Baptiste, le résident de la rue Sainte-Marie a rêvé la ville et les quartiers centraux en dessinant mille projets, et en écrivant tout autant, notamment dans le journal Droit de parole dont il était le cofondateur en 1974, dans l’Infobourg, ou dans d’autres publications plus ou moins éphémères, comme Abraham (voir ci-contre). Ses croquis et esquisses auront servi de base à de nombreux projets portés par le milieux communautaires et les citoyennes et citoyens directement concernés par les plans d’urbanisation, et permettaient de visualiser ce à quoi notre quartier pourrait ressembler, que ce soit au niveau du patro, des rues partagées, et bien d’autres projets encore qui peuplaient abondamment son logement. Des projets qui mettent de l’avant une densification humaine, du verdissement, et la possibilité si simple et pourtant si difficile à mettre en œuvre d’une vie quotidienne faite de proximité. Ses derniers combats auront été pour l’aménagement de rues réellement partagées dans le quartier, la transformation du Patro Saint-Vincent-de-Paul, et un tramway qui aurait emprunté le tunnel sous Honoré-Mercier.
Dotés d’une vision à long terme, appuyés d’une opiniâtreté sans faille, les projets portés par Marc Boutin avaient à cœur l’intérêt des résidentes et résidents, face aux développements privés qui accélèrent la gentrification, et sans respect pour l’architecture du Faubourg. L’expérience et la mémoire de Marc Boutin étaient incontournables pour le développement du quartier, et nous invitaient à ne pas répéter les erreurs du passé. Un grand monsieur nous quitte à l’aube de ses 80 ans, en nous laissant un modèle d’engagement citoyen, d’implication solidaire et d’entêtement qui peut porter fruit, et nous incite à nous impliquer concrètement.
Nous adressons nos plus sincères condoléances à sa famille, ses proches, et toutes les personnes qui l’ont côtoyé et se sont impliquées un peu plus grâce à son enthousiasme et sa ténacité.
Un homme droit, un superbe rêveur urbain, la tête dans les nuages et les pieds bien au sol dans la réalité des quartiers centraux de Québec. Son éternelle jeunesse manquera… Farewell Mr. Doyle- Boutin!
Un profond merci à Marc pour cet attachement indéfectible au quartier et sa présence dans toutes les luttes pour un quartier à valeur humaine ajoutée. Mes condoléances à ses proches et toute la communauté.