À l’affiche au Périscope jusqu’au 5 mars, Blackbird aborde un thème difficile de manière intense et accablante. Un huis-clos confrontant, qui ne laissera personne indifférent.

Una, 27 ans, se présente un soir à l’endroit où Ray, 55 ans, travaille. Quinze ans plus tôt, ils ont vécu une relation sexuelle. Elle avait 12 ans et lui 40. Il a été arrêté, jugé, emprisonné et a changé d’identité. Elle est restée au même endroit sans pouvoir échapper à ce qui s’est passé.

C’est dans la salle de pause que la confrontation s’engage. Une salle ensevelie sous les déchets du quotidien, à l’image de la montagne d’émotions conflictuelles qui plombent la vie d’Una depuis quinze ans et pour lesquelles elle exige désormais des explications. Alternant entre colère sourde, rage tonitruante, curiosité glauque et un attachement délétère à Ray, Una est arrivée là en voulant des réponses sans trop savoir quelles questions poser, en voulant arracher la vérité à Ray. Une vérité que Ray a mis quinze ans à consciencieusement oublier alors qu’Una s’y est noyée, fantôme de sa propre vie.

J’ai purgé ta peine pendant 15 ans

Una

Du dialogue naîtra une reconstitution des événements, plus entière et tragique que celle à laquelle Ray et Una ont eu accès depuis toutes ces années. Aux courtes phrases, incomplètes, décousues, elliptiques qui peinent à dire l’indicible et l’intolérable, où l’émotion transpire à chaque instant, succède un échange où la précision presque chirurgicale ramènera Una et Ray à l’inachevé de ce qui fut un moment charnière de leurs vies.

Tu m’as abandonnée éperdue d’amour

Una

Blackbird va là où personne n’a envie d’aller.

Pose des questions que l’on a pas envie de se poser.

David Harrower parle de pédophilie mais en évacuant tous les enjeux de pouvoir et de domination, pour n’en garder qu’une approche individuelle, intime, qui se concentre sur les amours interdites, les premiers émois amoureux et l’incapacité de l’adulte à raisonner comme tel. Blackbird est une pièce crue, aussi dure que les néons criards et violents qui éclairent la scène, une pièce qui gratte des plaies suintantes, voire purulentes. Les malaises que les spectateurs traverseront sont déstabilisants, et les laisseront sans réponses claires, traversés par un séisme d’émotions confuses et suffocantes.

Enfin, on ne peut que saluer la performance des deux acteurs, Gabrielle Ferron et Réjean Vallée, époustouflants d’intensité, qui excellent à transmettre l’ambiguïté et le doute dans les eaux troubles brassées par David Harrower. Leur interprétation est puissante, intense, à vif.

Une série de balados sort au même moment, pour accompagner le projet. La série Coupe-feux aborde les enjeux autour du consentement sexuel chez les mineurs à l’ère numérique. Produit par la compagnie L’Apex Théâtre en collaboration avec CKIA, la série est animée par les comédiens et auteurs Gabrielle Ferron et Charles Fournier et rassemble des experts qui éclairent les animateurs sur les thèmes de chacun des 5 épisodes: la majorité civile et l’âge de consentement, l’éducation à la sexualité, le numérique et le consentement, la personne qui agresse et la personne survivante.

Informations complémentaires

  • Du 16 février au 5 mars 2022
  • Billets sur le site du Périscope
  • Compagnie: L’Apex Théâtre
  • Mise en scène Olivier Lépine
  • Scénographie Marianne Lebel