La nuit du 4 au 5, adaptation du texte de l’autrice Rachel Gratton, aborde frontalement et sans compromis les violences à caractère sexuel et la culture du viol dans nos sociétés contemporaines. Un texte qui fait l’effet d’un électrochoc, porté brillamment par la performance époustouflante de Laurianne Charbonneau et Lauren Hartley.
La pièce montre des situations de violences sexuelles au travers des diverses étapes que devrait traverser une victime d’agression: le traumatisme, l’intervention de la police, les prélèvements de la trousse médicolégale, l’intervention d’une travailleuse sociale, la plainte et enfin, la résilience ou ce qui s’en approche. Qu’on ne s’attende pas à trouver dans la Nuit du 4 au 5 une quelconque moralisation ou édification quant aux viols ou à la culture du viol; ce qu’on verra ici, c’est la réalité crûe et blafarde de l’agression et de ses conséquences physiques et intimes.
Au Québec, une femme sur trois a été victime d’une agression à caractère sexuel depuis l’âge de 16 ans. La Nuit du 4 au 5 donne une voix à ces statistiques. Une voix stridente qui arrache les oreilles. Un tourbillon cacophonique qui raconte la catastrophe. Qui raconte une histoire de viol. Qui raconte des centaines d’histoires de viol. Des milliers d’histoires qui se ressemblent et s’entrechoquent. La pièce projette une lumière violente sur la mécanique du broyage, où les victimes se retrouvent morcelées et dépossédées de leurs propres corps.
Hybridation entre théâtre et performance, la pièce place le corps au cœur de la démarche artistique. “À travers le mouvement, nous explorons la dissociation entre le corps et l’esprit que vivent la plupart des survivantes, pour guider le public vers la reprise de pouvoir et de contrôle sur le corps qui s’initie dans le processus de résilience” indique le collectif du Théâtre de l’Impie, à qui on doit cette création.
À cette performance s’ajoute un texte ciselé et percutant, tant dans la forme que sur le fond. Aux agressions correspondent des avalanches verbales, auxquelles succèdent des phrases courtes et saccadées pour accompagner les réactions hébétées. Et quand il faut à nouveau raconter l’agression, un tourbillon physique et verbal achève de disloquer les corps.
Le décor et la mise en scène sont tout à fait intéressants. La pièce s’ouvre sur des débris de melon d’eau, comme un coeur explosé en mille morceaux, au milieu d’un dispositif de bâches de plastique blanc. Un décor froid et impersonnel, aussi dur et désolant que l’accompagnement indifférent qui est offert aux victimes.
Lauriane Charbonneau et Lauren Hartley portent sur leurs seules épaules cette pièce qui veut susciter une réflexion collective sur les violences à caractère sexuel infligées aux femmes. Leur présence occupe tout l’espace de manière incandescente et leur interprétation, intense, entière, empreinte de violence contenue offre aux spectateurs une performance à couper le souffle.
- 17 mai 2022 au 21 mai 2022
- Billets
- Production : Théâtre de l’Impie
- Texte: Rachel Graton
- Mise en scène : Auréliane Macé
- Interprétation / performance: Lauriane Charbonneau et Lauren Hartley
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