Une quarantaine de personnes ont assisté ce lundi 24 avril à une présentation de l’étude de préfaisabilité en vue d’assurer la viabilité de l’Église Saint-Jean-Baptiste, dans le cadre de l’assemblée générale annuelle du Conseil de quartier de Saint-Jean-Baptiste. Une étude qui propose une polyvalence et une multitude de fonctions, avec une volonté affichée de rendre le bâtiment à la communauté.

Dans le dossier de l’église, la Ville semble désormais vouloir faire preuve de transparence à toutes les étapes du projet. Si l’étude a été présentée en fin de semaine dernière à divers organismes communautaires et des représentants du milieu, les résident‧e‧s du Faubourg ont pu en avoir un aperçu ce soir et émettre des avis et commentaires. Rappelons en premier qu’il ne s’agit pas d’un projet arrêté: l’objectif de l’étude de préfaisabilité vise avant tout à préciser les usages qui peuvent être faits au sein de l’édifice et voir si certains de ces usages peuvent dégager des revenus autonomes. Il s’agit d’une exploration préliminaire de ce qui peut être fait dans l’église, en répondant aux besoins exprimés par la communauté et aux usages permettant de générer des revenus, qui s’appuie sur une analyse de différents projets similaires réalisés au Québec et ailleurs dans le monde ces dernières années. Les possibilités présentées sont presque infinies, au point que chaque usage semble répondre aux besoins des différents milieux qui souhaitent s’approprier ou se réapproprier l’espace.

Commençons par être rassurant. La Ville a confirmé qu’en l’état actuel, le bâtiment est en relative bonne santé, malgré le déficit d’entretien. Même si l’audit technique de la Ville estime qu’il faudra dépenser 34 millions de dollars pour l’enveloppe au cours des 15 prochaines années (dont 20 millions dans les cinq prochaines), des travaux ont eu lieu depuis 2018 (pour 2 millions de $) et il y en aura d’autres au printemps et à l’été sur l’enveloppe du bâtiment. Des travaux sur la toiture et pour stabiliser l’église et empêcher les infiltrations d’eau sont également dans les plans à court terme.

L’étude de préfaisabilité identifie trois volets complémentaires pour le projet, rebaptisé pour le moment “Carrefour des possibles”:

  • Un volet culturel mettant en valeur la création (par le biais de résidences d’artistes, d’ateliers, d’espaces communs), offrant un lieu de diffusion (des expositions, permanentes et temporaires), un espace de formation et de médiation culturelle et une programmation artistique variée;
  • Un volet communautaire, proposant une salle multifonctionnelle pouvant accueillir jusqu’à 100 personnes, des espaces administratifs pour les organismes communautaires du quartier, des installations pour tenir des marchés extérieurs ou intérieurs, une cuisine communautaire, un jardin communautaire, et une programmation communautaire axée sur le bien-être et la santé.
  • Un volet événementiel, proposant des événements d’envergure, un espace de diffusion de 350 places dans la nef, la mise en valeur de l’orgue Casavant, et une programmation riche visant les touristes et la population locale.

Selon l’analyse de la firme mandatée pour l’étude, Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT), Saint-Jean-Baptiste est un “animé et tissé-serré”. Un quartier épicurien (avec de nombreux cafés, restos, boulangeries, épiceries fines, boutiques de mode, disquaires, etc.), offre un écosystème culturel très riche (avec 8 organismes comme des théâtres, bibliothèque, etc. et 5 % de la population active qui travaille dans le domaine) et communautaire tout aussi riche, avec 7 organismes et 14 % de la population active. De quoi animer la vie des quelque 9500 habitants (selon le recensement de 2022) dont la moyenne d’âge est de 43,4 ans (légèrement plus jeune que le reste de la ville).

L’étude réalisée par RCGT indique que la conversion d’églises est une solution privilégiée afin de conserver les bâtiments patrimoniaux culturels à caractère religieux, et que cette conversion implique le plus fréquemment des usages multifonctionnels et culturels. On relève également que plusieurs tendances touristiques peuvent inspirer les projets de conversion et en augmenter le succès, que la culture contribue au développement des municipalités, et que la COVID-19 a haussé l’appréciation des événements réalisés en mode “micro” et qui valorisent l’expertise locale (en résumé, on veut expérimenter ce qu’un résident vivrait). À partir de ces grandes tendances, l’étude de préfaisabilité propose un concept marqué par la diversité des usages.

Une proposition de concept

  • Le concept présenté ce lundi soir a plusieurs objectifs, résultats des discussions menées au cours des derniers mois avec les différents acteurs et représentants du quartier:
    préserver et mettre en valeur l’église
    viser la réappropriation du lieu par la population
    rendre accessible le carrefour à toutes les tranches de la population locale ainsi qu’aux visiteurs régionaux et aux touristes
    ouvrir le lieu sur la plus grande plage horaire possible
    permettre l’accessibilité universelle.

On souhaite installer de nouvelles vocations, créer un lieu de rencontre, être rassembleur, offrir un lieu “bouillonnant de création et d’innovation” et permettre l’exploration des possibles, tant artistiques que culturels, sociaux et entrepreneuriaux. Le projet se veut également à la croisée des quatre piliers du développement durable: économique, culturel, environnemental et social. Et pourquoi pas positionner l’église comme un leader en développement durable?

La firme d’architecte BGLA, qui a été mandatée pour proposer des idées d’aménagements intérieurs, a travaillé selon des lignes directrices visant des interventions minimalistes et réversibles, des aménagements polyvalents et permettant la cohabitation simultanée des différents usages et usagers. Les enjeux tiennent au maintien des éléments caractéristiques patrimoniaux, aux multiples niveaux de planchers et à leurs impacts sur l’accessibilité, la mise aux normes et les services techniques, l’éclairage naturel dans les espaces du sous-sol, le stationnement, l’horaire et la cohabitation des usages, la mixité des fonctions.

Les plans présentés donnent une idée générale de ce que l’on pourrait trouver à chaque niveau de l’église. Ainsi, le sous-sol serait “réservé” au communautaire. On y trouverait une salle polyvalente d’une centaine de places, une cuisine communautaire, des espaces pour les organismes communautaires, des ateliers d’artistes (en métiers d’art, arts visuels), et peut-être même des résidences d’artistes (nonobstant des enjeux de lumière naturelle). Une entrée indépendante sur d’Aiguillon permettrait d’accéder aux différents services offerts par ce niveau.

Image: courtoisie Ville de Québec.

Le rez-de-chaussée pourrait offrir plusieurs entrées, sur le parvis et sur la rue Saint-Jean. Au centre, dans la nef, un plateau polyvalent de 350 places permet de répondre aux besoins d’événements d’envergure mais également communautaires, des foires, des marchés, événements politiques, colloques ou autres. Le chœur pourrait servir de scène les soirs de spectacle ou d’espace de contemplation le reste du temps. Du côté de la rue Saint-Jean, on peut imaginer un café, un espace lounge, et du côté de la rue d’Aiguillon, des espaces de coworking. Le terrain extérieur peut être utilisé comme jardin communautaire.

Image: courtoisie Ville de Québec.

Enfin, à l’étage (auquel on pourra accéder par un ascenseur ou par les escaliers), l’orgue Casavant sera restauré et mis en valeur et de chaque côté de la nef, grâce à des structures autoportantes, on pourrait avoir d’un côté des espaces pour des organismes œuvrant en développement durable, et de l’autre des espaces d’exposition.

Image: courtoisie Ville de Québec.

Une estimation de l’achalandage et des revenus potentiels

Le marché potentiel identifié par l’étude de préfaisabilité se compose de la clientèle locale (du quartier et de l’arrondissement), de la clientèle régionale (qui réside à 40 km et moins) et du marché touristique de Québec (on sait que la région de Québec a accueilli en 2019 plus de 8 millions de touristes). Selon les calculs de l’étude, on estime un achalandage potentiel de 135 000 personnes pour le lieu et l’ensemble de ses activités. Pour donner une idée, le Musée national des Beaux-Arts du Québec a reçu 205 000 visiteurs en 2021-2022.

Le modèle d’affaires proposé implique que la Ville joue un rôle clé et acquière le bâtiment (que la Fabrique est prête à céder pour 1$ symbolique), le sauvegarde, confie sa gestion et son opération à une organisation habilitée. De son côté, l’Institut canadien de Québec doit évaluer le projet avec sa mission et sa vision, jauger le risque d’affaires, assumer la gestion et la programmation, déployer les ressources et les partenariats nécessaires.

On estime les revenus potentiels entre 661 000$ (estimation conservatrice) et 882 000$ (estimation réaliste). À cela, il faut ajouter les coûts d’entretien, qui devront être chiffrés dans l’étude de faisabilité et le plan d’affaires. Mélissa Coulombe-Leduc, conseillère du District, a par ailleurs précisé que des subventions, que ce soit au niveau du fédéral ou du Ministère de la Culture et des Communications. D’autres enveloppes, notamment pour des bâtiments verts et inclusifs, sont également envisagées et permettraient de rendre le bâtiment moins énergivore.

A quoi s’attendre dans les prochains mois?

Le plan d’affaires (comprendre ici raffiner le projet et établir de manière serrée tous les aspects budgétaires) doit être réalisé. Interrogée quant à la possibilité de rouvrir le sous-sol rapidement pour les organismes communautaires, la conseillère a répondu que cela pourrait être envisageable, mais que des travaux importants doivent y être entrepris d’abord, en vue de sécuriser les lieux. Il est fort probable que l’on entende reparler du projet dans les prochains mois, avec une vision plus claire des activités qui pourront y prendre place. Deux choses sont certaines à ce stade-ci: il y aura une mixité d’usages et le bâtiment abritera des services communautaires.

“Le pire qui pourrait arriver, c’est d’avoir trop de succès, un peu comme les croisières” a fait remarquer une citoyenne lors de la soirée, rappelant du même souffle l’importance de réfléchir à cet aspect dès maintenant pour ne pas générer l’hostilité des citoyen‧ne‧s. Le projet, qui se caractérise pour le moment par la diversité et un grand nombre de possibilités, a fait un petit pas avec l’étude de préfaisabilité. Mais plusieurs aspects devront être rapidement précisés: affiner le projet, faire en sorte qu’il ne cannibalise pas les autres institutions du secteur, qu’il réponde aux besoins d’une diversité de clientèles dans un quartier dense et plus résidentiel qu’il n’y paraît.