Collaboration spéciale : Ariane Tapp
Inspirée d’Anna Karénine (Tolstoï) et non sans rappeler Le déclin de l’empire américain (Denys Arcand), Forêts (Wajdi Mouawad) et même Parasite (Bong Joon-ho), Anna, ces trains qui foncent sur moi est avant tout fidèle à Steve Gagnon (texte, jeu et costumes) et restera sans doute l’une de ses œuvres phares.
La pièce de 3 h 50 avec entracte débute avec 10 minutes de retard. On n’est pas sorti du bois; les personnages non plus. Pour eux, une fin de semaine à la campagne entre amis et collègues politiciens commence. L’hôte, c’est Daria, source indispensable de rire dans une atmosphère qui s’épaissira jusqu’au dénouement.
Presque l’entièreté du premier acte, de deux heures, est constituée de conversations de table qui s’entrecoupent et abordent tous les sujets chauds du moment : la définition du couple, l’environnement, la politique, les classes sociales, l’anxiété, la société de consommation… Quelques interventions cent fois entendues ennuient, mais les échanges aiguisés réussissent néanmoins à maintenir l’intérêt durant cette (trop) longue mise en place jusqu’à l’élément déclencheur, qui n’arrive qu’à la toute fin.
Les destinées se jouent dans un deuxième acte au rythme plus soutenu. Les personnages d’Anna, de Constantin et d’Agathe, surtout, marqueront les esprits, alors que d’autres resteront moins développés et pour ainsi dire accessoires. En réduire le nombre (13!) aurait sans aucun doute permis de resserrer l’intrigue et d’éviter une sensation d’éparpillement et l’envie de consulter un arbre généalogique pour s’y retrouver. Au cœur de cette fresque se lèvent les femmes, encore occultées, utilisées, soumises, même aujourd’hui.
La distribution québéco-franco-belge est efficace, et l’on croit aux liens de sang malgré des différences d’accent. Les sacres dans la bouche des acteurs européens, cependant, sonnent rarement juste, d’autant plus que la langue est pour le reste « internationale ».
Malgré ces quelques longueurs et légers accrocs, le texte, féroce et poétique, résolument mis de l’avant dans une mise en scène sobre, atteint la cible et s’y agrippe jusqu’à la tombée du rideau. On quitte Le Diamant la tête pleine et le cœur serré.
Vivement un retour dans un théâtre québécois.
La pièce Anna, ces trains qui foncent sur moi est présentée de nouveau ce 6 juin à 19 h au Diamant. La programmation du Carrefour international de théâtre se poursuit jusqu’au 10 juin.
Production
Théâtre Jésus, Shakespeare et Caroline
Théâtre en scène
- Auteur Steve Gagnon
Mise en scène Vincent Goethals - Interprètes
Sébastien Amblard, Marie-Josée Bastien, Annick Bergeron, Lise Castonguay, Violette Chauveau, Frédéric Cherboeuf, Véronique Côté, Steve Gagnon, Clément Goethals, Marion Lambert, Édith Patenaude, Marc Schapira, Julie Sommervogel, Salim Talbi - Décor Anne Guilleray
- Lumières Philippe Catalano
- Conception sonore Olivier Lautem
- Costumes Steve Gagnon
- Régie Son Olivier Lautem
- Régie Lumières Philippe Catalano
- Assistance à la mise en scène Mattis Savard
- Regard chorégraphique Sébastien Amblard
- Graphisme Marie-Renée Bourget-Harvey
- Direction de production Claudiane Ruelland
- Théâtre en scène
Direction artistique Vincent Goethals
Direction administrative Jean-Jacques Utz - Théâtre Jésus, Shakespeare et Caroline
Direction artistique Steve Gagnon
Direction administrative Claudiane Ruelland - Avec le soutien du Consulat général de France à Québec
- Remerciements
Consulat général de France à Québec
Présenté au Théâtre Le Diamant
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