Julia Caron, de CBC Québec, fait partie d’une cohorte de six journalistes canadien‧ne‧s sélectionné‧e‧s par le Collège Massey de l’Université de Toronto pour le William Southam Journalism Fellowship. En septembre, elle quittera Saint-Jean-Baptiste pour séjourner durant une année académique dans la province où elle a fait ses premières armes médiatiques.
Devant une salade sur la terrasse ensoleillée de Nina Pizza, Julia se rappelle avoir livré le journal à vélo à 10 ans. Bien que sa famille soit québécoise, elle vivait en Ontario où travaillait son père.
C’est d’abord le graphisme et la mise en page des magazines qui l’ont intéressée. À l’université, elle a opté pour les Women Studies à la Trent University. Voyant qu’elle avait du talent pour écrire, des amis et des enseignants l’ont encouragée à soumettre ses textes au journal étudiant, Arthur Newspaper.
« La première fois que j’ai vu mon nom et mes opinions imprimés, en 2005, c’était tellement satisfaisant comme expérience! »
Julia a couvert les arts et les spectacles de musique pour le journal. Avec son compagnon de l’époque, elle avait aussi une émission à la radio étudiante, Trent Radio 92,7 FM, où elle partageait sa passion pour le cinéma.
Nommée co-rédactrice en chef de Arthur Newspaper elle s’est initiée par la suite à l’actualité municipale et aux affaires publiques.
« C’était une période assez conflictuelle, parce qu’il y avait une partie de moi qui voulait être activiste. J’avais 18, 19, 20 ans; ce sont des années un peu comme ça… »
Ontario-Québec
Dans le cadre d’un programme d’échange Ontario-Québec qui « n’existe plus aujourd’hui », Julia a eu un emploi étudiant à Sainte-Marie-de-Beauce. Son baccalauréat terminé, elle a de nouveau travaillé pour le programme d’échange, cette fois comme responsable de l’accueil des étudiants québécois à Toronto. Voulant s’établir dans cette ville, Julia cognait aux portes des magazines et journaux.
« J’ai fait du journalisme, j’écrivais un peu sur la mode, je vendais du vintage. Mais c’était 2008, c’était la crise économique, et je n’étais pas prête à accepter la quantité de rejets! (…) Alors j’ai fait le choix, en 2008, de déménager à Québec, un peu pour l’amour. J’avais rencontré Simon (Dumas, des Productions Rhizome) à l’été 2007. Mais c’était aussi parce que je voulais parfaire mon français. Je me suis dit : je peux enseigner l’anglais, j’aimerais travailler dans le milieu culturel… »
Julia a songé à faire une maîtrise en études de la scène et de l’écran. Aborder le documentaire comme forme de résistance dans les communautés autochtones, à l’Université Laval en 2008, en français après un baccalauréat en anglais, s’est toutefois avéré ardu.
« As-tu pensé à faire de la radio? »
Un beau jour de décembre 2009, l’autobus dans lequel Julia rentre de donner un cours d’anglais doit s’arrêter avant d’atteindre la place d’Youville. Le passage de la flamme olympique dans le secteur donne lieu à un attroupement de fans en même temps qu’une manifestation de détracteurs. Dans la rue, Julia sent qu’on touche son épaule : Jacquie Czernin, de l’émission Breakaway à CBC, interviewe des citoyen‧ne‧s. Elle note la belle voix bilingue de Julia. « As-tu déjà pensé à faire de la radio?» Elle l’incite à envoyer son CV à CBC. En juin 2010, Julia commence à travailler à la recherche.
De fil en aiguille, on la forme pour différentes fonctions, elle travaille régulièrement. En 2016, après la naissance de sa fille Marguerite, elle obtient un poste, à la mise en ondes et à la réalisation de reportages pour Breakaway.
En 2019, appelée à remplacer Marika Wheeler durant son congé de maternité, Julia fait des reportages aux quatre coins du Québec. Des changements climatiques à la disparition des photomatons à Montréal, elle touche à tout. Lorsqu’on lui propose ensuite de remplacer temporairement Suzanne Campbell, l’animatrice de Quebec AM, Julia doute.
« J’étais vraiment pas sûre d’être capable. C’était un méchant défi, à l’époque. Je me levais à 3 h 45. L’émission commençait en direct à 5 h 30, on était une petite équipe. »
En mai 2020, au cœur de la pandémie, on annonce que Julia prend la barre de Quebec AM pour de bon.
Depuis, le format de l’émission a changé, elle débute désormais à 6 h. « C’est plus humain comme horaire! », dit Julia.

Julia Caron au Cimetière St. Matthews
Un petit peu de recul
Entre la course à l’actualité quotidienne et les sujets parfois très poignants sur le plan social et humain, il est difficile « d’avoir un petit peu de recul ». C’est ce qu’offre une opportunité comme le fellowship du Collège Massey, qui équivaut à une résidence de recherche pour journalistes.
Les fellows ne peuvent pas travailler comme journalistes. Le Collège Massey leur donne accès à des cours, aux bibliothèques, aux ressources académiques pour leurs recherches. On les amène à écrire, à animer des événements. C’est aussi une opportunité unique de côtoyer cinq autres journalistes remarquables de différents médias canadiens. Julia parle du travail des autres journalistes de sa cohorte : Garvia Bailey, Hamutal Dotan, Anna Mehler Paperny, Beatrice Senadju, Hasan Shaaban.
« Je suis très honorée de faire partie de cette gang-là. Je vais être comme une mini-ambassadrice du Québec! Je veux parler du fait d’être bilingue, de faire son journalisme en anglais dans une province francophone. Souvent, ce sont des reportages qui me tiennent vraiment à cœur. »
Au fil des reportages de CBC Québec, explique Julia, des liens de proximité se tissent avec des Québécois anglophones de toutes les régions, malgré la distance. Elle cite en exemple un citoyen de la Basse-Côte-Nord, Garland Nadeau, auditeur et source d’information. Elle ne l’a jamais rencontré en personne, mais ils ont des contacts depuis 10 ans.
L’avenir et Saint-Jean-Baptiste
Qu’entrevoit Julia Caron après son fellowship? Elle parle de rester ouverte aux opportunités, mais aussi des bouleversements dans le milieu des médias.
« On est à un point tournant. Ça ne peut pas continuer comme ça, les coupes. Si la Montreal Gazette doit renoncer au papier, quel est l’avenir? (…) Est-ce que CBC et Radio-Canada vont faire plus de streaming, plus de plateformes? (…) J’aime beaucoup animer une émission matinale, mais pour vraiment avancer, évoluer dans ma carrière, j’aimerais faire plus de journalisme long format. Je sais, c’est le but de beaucoup de gens; c’est difficile que ce soit rentable… »
Julia aimerait par exemple animer une émission nationale, faire des entrevues de fond, peut-être des balados.
Elle espère voir émerger davantage d’opportunités comme celle du Collège Massey, qu’il y en ait au Québec, qu’on favorise l’accessibilité à une diversité de journalistes en offrant un cachet de subsistance suffisant. Elle voudrait aussi que les jeunes journalistes travaillent dans de meilleures conditions que celles qu’elle a connues, propices à l’épuisement.
Attachée à son parcours de journaliste anglophone à Québec, Julia aime aussi profondément son quartier.
« J’adore Saint-Jean-Baptiste. J’ai été touriste à Québec à 16 ans, comme plusieurs Ontariens. J’ai un souvenir d’être en minivan et de descendre la côte Salaberry, le soir, avec le coucher de soleil, les lumières de la ville… Quand j’étais à Sainte-Marie-de-Beauce, je venais souvent à Québec, il y avait un autobus à l’époque. Je suis venue voir Feist, le 2 juin 2007. Je m’en rappelle parce que c’est là que j’ai rencontré Simon. Il m’a emmenée en ville, sur la rue Saint-Jean, au Sacrilège, au Fou Bar. Les bars fermaient plus tard qu’en Ontario, il y avait le mini-village gai, du karaoké, des musiciens qui jouaient du jazz manouche sur le coin de la rue…»
Julia apprécie de pouvoir tout faire à pied dans Saint-Jean-Baptiste. Elle souligne l’« aspect communautaire », les liens noués avec les commerçants.
« Ce qu’on peut avoir comme vie dans Saint-Jean-Baptiste, c’est comme nulle part ailleurs au Canada. I love it so much!!! »
On peut suivre Julia sur Twitter @cbcjulia et Instagram @cbcjuliacaron en plus de l’écouter en ligne ou au 104,7 FM.
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