Jeudi dernier se tenait une mobilisation artistique à la librairie Saint-Jean-Baptiste. Pour l’occasion, le Compop (comité populaire Saint-Jean-Baptiste) avait transformé le 565 rue Saint-Jean en une tribune pour la campagne Urgence d’occuper. Différents artistes du quartier y ont fait entendre leur voix, prouvant que la lutte est plus que jamais d’actualité.

Originellement prévu au parc Berthelot, c’est finalement au milieu d’œuvres littéraires que s’est déroulé l’événement en raison de la pluie. Au menu, quelques bouchées de La Molette accompagnées d’un verre, de quoi réchauffer les cœurs et dénouer la langue des poètes. Ces derniers ainsi que les contes et le cirque étaient à l’honneur lors de cette soirée, car selon l’organisatrice Noémie Fontaine « l’art est un moyen d’expression et de mobilisation important [et] les revendications sociales peuvent être exprimées par toutes les formes d’art ».

La voix des artistes de Saint-Jean-Baptiste

Nous avons eu la chance de nous entretenir avec trois de ces artistes pour en apprendre plus sur leurs motivations personnelles et leurs sources d’inspiration. Pour Mona Déry-Jacquemin, l’événement à la librairie était l’occasion de partager son amour pour le quartier, au travers des yeux de l’enfant qu’elle était dans les années 90. De plus, il s’agissait de recréer, le temps d’une soirée, le brassage artistique et culturel qui l’avait marqué dans sa jeunesse et qui lui avait permis « de faire [son] identité de fille non seulement québécoise, mais aussi de Québec ». Quant à Audrey Paquet, elle était présente pour parler de son appartement rue Richelieu qu’elle décrit comme « l’endroit où [elle] croit s’être sentie le plus chez elle », le premier lieu où elle s’est réellement sentie « à la maison ». Sa poésie est alors devenue l’outil puissant lui permettant de mettre un visage sur une crise que beaucoup peuvent percevoir comme loin d’eux. Enfin, pour Louve Saint-Jeu, l’heure était à la défense de son quartier, sa famille. « Mon nom d’artiste vient du quartier. Je voulais un nom de famille qui n’était pas celui de mon père ou de ma mère et j’ai trouvé que mon autre parent c’est le quartier Saint-Jean-Baptiste ». Celle qui décrit le bloc de condos qui a poussé derrière chez elle comme une verrue tenait à être présente pour rassembler le quartier et porter de l’espoir au travers de ses contes.

La soirée s’est donc entrelacée de créations artistiques et de cris d’alarme, rappelant l’urgence de la situation. Le pourcentage horriblement bas de verdures, l’absence de construction de logements sociaux depuis 2013 et le manque général d’espaces pour la communauté ont été au cœur des discours. La soirée a finalement pris fin sous la pluie, ce que tous avaient tenté d’éviter au départ, avec une prestation de cirque dans l’un de ces espaces présentement inutilisés.

Une campagne locale pour un enjeu majeur

Pour rappel, la campagne Urgence d’occuper a débuté en décembre 2021 avec comme but de se réapproprier des terrains vagues peu ou pas utilisés par des propriétaires privés. En 2023, la mobilisation se poursuit.

Nous continuerons à nous mobiliser tant et aussi longtemps que ces terrains ne seront pas utilisés pour améliorer la vie des citoyens et des citoyennes du quartier, avec des jardins communautaires, des parcs, des logements sociaux, des centres de la petite enfance et des espaces communautaires. (Noémie Fontaine)

Bien que pour le comité populaire Saint-Jean-Baptiste, la lutte soit difficile et loin d’être finie, des victoires viennent prouver l’utilité de leur travail. Le 15 juin dernier, les membres célébraient l’acquisition du 280-286 rue Saint-Olivier par le centre de la petite enfance (CPE) coopérative Saint-Jean-Baptiste. Une victoire qui permet d’imaginer un futur ou la campagne Urgence d’occuper n’est plus nécessaire.