La dernière production de L’Apex Théâtre, J’te pète en mixte, est un solo drôle et amer, nous immerge dans le milieu de l’improvisation collégiale en 2011-2012 pour mieux dénoncer les iniquités et les biais de perception liés au genre, notamment dans le milieu de l’humour.

Sortie du secondaire, Catherine, jeune adulte à la scolarité brillante et à qui tout à toujours réussi, décide d’opter non pour le chemin tout tracé des études dans lesquelles elle pourrait continuer d’exceller, mais pour un DEC en lettres et arts, option théâtre. Elle découvre rapidement que pour réussir dans le domaine, mieux vaut faire de l’impro. Et pas juste se tenir avec les gars de l’impro, mais bien devenir un gars d’impro et faire passer l’équipe avant tout.

Le parcours de Cath’ dans les ligues d’impro est habilement mis en parallèle de l’évolution de sa relation teintée de violence conjugale avec Vince, joueur étoile. Isolée dans des amours toxiques où elle passe de la princesse à la pire des blondes, elle subit également la brutalité du parcours d’impro quand on est une fille, de la lune de miel aux tensions, au gaslighting, etc.

Bien que la pièce se déroule en 2011-2012, on a – fort heureusement – l’impression d’avoir vécu une transformation majeure de la société. Les comportements dénoncés par J’te pète en mixte sont socialement moins bien tolérés en 2023. Du moins aimerait-on le croire. Après Blackbird et Aime-moi parce que rien n’arrive, L’Apex Théâtre nous propose une pièce aboutie, d’une grande maturité, où la mise à nu permet d’interroger un enjeu social d’importance auquel personne ne peut rester insensible et qui nous permet de porter un regard neuf sur quelque chose qui nous semble quotidien, voire banal.

Le texte de Gabrielle Ferron est remarquablement bien écrit. Tout en nuance, abordant de biais les enjeux, le monologue de Cath’ est subtil, intelligent, hyper réaliste et accessible. On en oublierait presque que l’on est dans un théâtre, tant les distances sont abolies, et pas seulement au sens propre du terme. Clémence Lavallée est une interprète formidable. Se glissant dans la peau de tous les personnages avec une aisance fascinante, elle parvient à incarner et transmettre un impressionnant flot d’émotions et d’expressions. La grande qualité du texte et de l’interprétation, qui nous fait lentement, mais sûrement, passer du rire à l’angoisse, servent habilement le propos de la violence qui s’instille dans les relations intimes ou sociales.

On aime beaucoup la mise en scène et ses trouvailles, notamment pour marquer la présence des autres personnages, au détour d’un accessoire, d’un pull, d’un gobelet de beer-pong. Les projections au sol, quand on peut les voir, sont plutôt savoureuses. La première s’est déroulée devant un public conquis d’avance, ayant visiblement une expérience de l’impro assez poussée pour comprendre toutes les références. Mais que l’on se rassure: J’te pète en mixte est tout à fait accessible à un public peu familier du milieu de l’impro et ne nous jette pas dans un univers replié sur lui-même.

À voir jusqu’au 18 novembre au Premier Acte.

Informations complémentaires

  • Billets et autres informations
  • Production: L’Apex Théâtre
  • Texte et mise en scène : Gabrielle Ferron
  • Assistance à la mise en scène: Aude Seppey
  • Interprétation: Clémence Lavallée