Les projets se sont multipliés depuis la fermeture de l’église en mai 2015, suscitant l’implication de la communauté à différents niveaux, et plus récemment de la Ville qui devait recevoir sous peu un plan d’affaires visant à documenter la viabilité financière de différents scénarios de reconversion. L’église demeurera finalement consacrée au culte, avec sa vente dans les prochaines semaines à la communauté copte orthodoxe.
Réunis en assemblée consultative après la messe à l’église Saints-Martyrs-Canadiens en ce dimanche 21 janvier, les paroissien‧ne‧s ont pu en apprendre plus sur la teneur du projet, poser leurs questions et exprimer leurs sentiments vis-à-vis de la vente. “La Fabrique est heureuse que la vente permette le maintien du culte chrétien dans cet édifice et est convaincue que la réouverture de l’église constituera un plus pour la communauté du quartier” a déclaré Serge Savaria, président du conseil de la Fabrique, actuelle propriétaire du bâtiment. “Les possibilités de transformation et de requalification sont restreintes” ajoute-t-il, précisant que “les coûts d’opérations sont trop élevés, même maintenant; si l’on tient compte du chauffage, de l’entretien, des assurances, cela représente actuellement 100 000$ par an”. “Avec le concours de la communauté copte orthodoxe, nous sommes en présence d’une belle solution pour assurer la pérennité de ce riche patrimoine”.
Représentant la communauté copte orthodoxe, Nabila Nasif et Fayez F. Boctor ont pris la parole pour parler de leur projet, qui reste encore à travailler. Fayez F. Boctor, par ailleurs professeur à l’Université Laval, a présenté l’Église copte orthodoxe, “la plus vieille église, fondée en l’an 48 par l’apôtre Saint-Marc à Alexandrie”. “Nous souhaitons avoir la garde de l’église, nous allons faire du mieux que nous pouvons pour préserver ce bijou du patrimoine” a-t-il ajouté. Pour sa part, Nabila Nasif a indiqué que “la communauté copte de Québec sera très heureuse de tenir ses activités pastorales dans cette église. La communauté copte de Québec est fière de son appartenance à la société québécoise et Saint-Jean-Baptiste est un saint très important pour les Coptes”.
Monseigneur Jean Piché, modérateur de l’unité missionnaire Montcalm-Vieux Québec qui regroupe les Paroisses Notre-Dame de Québec et Saint-Jean-Baptiste (i‧e. prêtre de la paroisse) a pour sa part déclaré avec émotion que l’avenir de l’église lui tenait à cœur et que le maintien de la présence visible de la communauté chrétienne était importante. “Nous sommes dans une optique de rassemblement, les coptes vont amener une vitalité communautaire dans le quartier” a-t-il indiqué.
Des réactions positives de la communauté chrétienne
Les paroissien‧ne‧s qui se sont exprimés se sont montrés en faveur, voire enthousiastes pour le projet. Plusieurs personnes se sont publiquement réjouies et ont accueilli cette nouvelle dans un esprit de fraternité et de rassemblement, voire de “maillage des religions” tel que l’a exprimé l’architecte Marc Bouchard, qui a notamment œuvré au classement patrimonial de l’église. Plusieurs ont souligné “le beau hasard” de faire cette rencontre dans le cadre de la semaine de l’unité des chrétiens et ont émis le souhait d’en apprendre plus sur la communauté copte orthodoxe.
Quelques personnes se sont néanmoins inquiétées de la pérennité financière du projet, craignant que les coûts d’entretien soient trop importants pour une si petite communauté. En effet, si l’église copte orthodoxe, dont les origines se trouvent en Égypte et dont le chef porte le titre de patriarche d’Alexandrie, inclut environ 15 millions de membres dans le monde, la communauté de Québec (l’Église Copte Orthodoxe de la Vierge Marie, St Mina & Pape Cyrille) ne compte qu’une soixantaine de membres réguliers, auxquels on peut ajouter quelques étudiant‧e‧s de l’Université Laval (l’église Saint-Jean-Baptiste peut accueillir 700 fidèles dans la configuration actuelle de la nef). Même si les coûts de rénovation de l’édifice patrimonial peuvent être largement subventionnés, plusieurs paroissien‧ne‧s semblaient préoccupés par cet aspect, tant pour les acquéreurs que pour les finances actuelles de la Paroisse.
Des réactions plus nuancées du milieu
Les réactions des représentants d’organismes du quartier Saint-Jean-Baptiste sont plus nuancées, notamment en raison de tous les projets développés ces dernières années et l’absence de certitude que le bâtiment revienne en partie à la communauté alors même qu’il s’agit d’une constante des demandes locales. François Blay Martel, directeur général de la SDC du Faubourg et administrateur du conseil de quartier, a déploré que les projets élaborés depuis plusieurs années, les projets en lien avec l’école et la communauté, ne puissent aboutir et que la possibilité d’avoir un espace multi-vocations semble évacuée du projet. À cet égard, Serge Savaria a mentionné que cela ne ferait pas partie des conditions de vente de l’édifice. Mélissa Coulombe-Leduc, conseillère du district Cap-aux-diamants, a tenu à rappeler que “la Ville de Québec s’est mobilisée ces dernières années en raison du manque de leadership dans ce dossier. Ce vide n’existe plus. On a désormais un projet avec le maintien de la vocation de culte, qui est sa vocation première”.
Pour sa part, le Comité populaire Saint-Jean-Baptiste ne cache pas sa déception suite à cette annonce : « Quelle occasion ratée par la Ville de Québec de faire de ce lieu central pour le faubourg, un projet répondant à une multitude de besoins communautaires » , s’est exclamée Marie-Ève Duchesne, permanente du Compop. « Il y a eu un manque de volonté politique dans ce dossier à tous les niveaux, c’est extrêmement décevant. On aurait pu répondre au besoin du lieu de culte de cette communauté tout en s’assurant d’une fonction publique et communautaire de l’endroit » a-t-elle ajouté.
“Comme conseillère, indique Mélissa Coulombe-Leduc, j’ai beaucoup entendu de déception dans la dernière semaine. Depuis 9 ans, les gens se sont mobilisés, se sont projetés, ont rêvé de cet espace”. Elle ajoute qu’elle a demandé une rencontre avec les acquéreurs pour l’occupation du sous-sol, mais qu’elle ne veut pas “que cela devienne un obstacle à l’acquisition”. “Nous allons voir pour d’autres endroits dans le quartier pour les besoins communautaires” précise-t-elle.
Vers une vente rapide
“Être propriétaire s’accompagne d’obligations, nous éviterons d’ajouter des contraintes additionnelles” indique Serge Savaria. Selon les informations actuelles, l’édifice sera donc vendu pour 1$ symbolique. L’unité pastorale de la paroisse Saint-Jean-Baptiste pourra continuer d’occuper occasionnellement les lieux. La communauté copte demeurera liée par les ententes actuelles et devra se conformer aux exigences de la Ville de Québec et du ministère de la Culture et des Communications en ce qui a trait à la conservation du patrimoine. L’église devrait également garder son nom.
La proposition d’offre d’achat est intervenue le 26 novembre dernier et l’Archevêché a donné son autorisation pour la poursuite des discussions le 14 décembre. L’évêque de la communauté copte a également donné son accord. Les prochaines étapes visent à faire approuver l’acte de vente par la Fabrique, l’Église copte et les évêques respectifs. Si les discussions se déroulent bien, le ministère de la Culture et des Communications devra approuver la vente, dans un délai de 60 jours permettant le droit de préemption.
Les parties prenantes souhaitent que la prise de possession se fasse le plus rapidement possible, la communauté copte étant dans l’urgence de trouver un nouveau lieu d’accueil pour ses activités. Compte tenu des impondérables, il est raisonnable de penser que la transaction pourrait être finalisée d’ici à la fin du printemps 2024.
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