Présentée jusqu’au 24 février au Premier Acte, Bitch Boxer nous offre une performance à couper le souffle, où la boxe féminine permet d’aborder de manière organique des failles intimes et les émotions que l’on refoule plus ou moins consciemment.
Chloé s’entraîne à la boxe avec son père depuis qu’elle a 11 ans. Un sport qui représente toute sa vie, toute ses ambitions, et par lequel elle exprime tout ce qu’elle est, joyau brut qu’aucune émotion ne saurait venir ébrécher. Même quand son père meurt, alors qu’elle est proche d’accéder aux Jeux Olympiques de Londres en 2012.
Bitch boxer démarre avant même que le public ne soit installé. Chloé s’entraîne, répète ses enchaînements, s’apprête à livrer le dernier combat qui lui permettra d’accéder aux Jeux Olympiques, les premiers auxquels les boxeuses peuvent participer. C’est son rêve, un rêve construit de père en fille, un rêve qu’elle doit désormais vivre seule. Pendant l’heure précédant cet ultime combat, Chloé se livre au public avec toute l’énergie qu’elle s’apprête à mettre dans le ring.
Chloé, femme forte, tête dure, qui a refusé de verser une larme lors des funérailles de son père et qui a repris l’entraînement dès le lendemain. Chloé qui croit que la compassion dont on fait preuve à son égard n’est que le reflet de l’hypocrisie des gens, « comme s’ils attendaient juste que j’éclate pour ramasser les morceaux » dit-elle. Chloé ne sait exprimer qu’un sentiment, la colère, et trouve dans la boxe un exutoire parfait en plus d’avoir un talent naturel. Elle se conçoit exclusivement en mode attaque ou défensive et refuse de laisser qui que ce soit se mettre en travers de sa route vers la médaille d’or.
La boxe au féminin se retrouve rarement sujet d’une pièce de théâtre. Bitch Boxer est d’autant plus une réussite qu’il s’agit d’un thème qui permet ici d’aborder des sujets sensibles et délicats, comme le deuil, la vulnérabilité, le refoulement des sentiments, la violence, l’amour naissant, l’amour maladroit, l’amour filial et quelle place on peut trouver dans un monde qui n’est plus aussi bien balisé qu’on le voulait.
Outre une performance d’actrice à couper le souffle, Samantha Clavet – dont on a pu apprécier le talent d’écriture avec Food Club présenté en 2021 au Premier Acte – nous offre ici une remarquable traduction de l’œuvre de l’auteure Charlie Josephine. Le travail d’adaptation du texte, bien au-delà de la traduction, permet d’offrir un spectacle à l’énergie extrêmement bien dosée, tout en fluidité. La chorégraphie des corps accompagne en douceur des répliques dont l’efficacité redoutable invite à l’introspection. Le fait d’avoir réparti en trois personnages ce qui à l’origine était un solo permet d’ouvrir une multitude de perspectives et autant de miroirs sur les enjeux abordés.
Le travail de mise en scène d’Hubert Bolduc offre des enchaînements incroyables, entre moments d’intensité et ralentis délicats, dans un décor polyvalent mettant le public à proximité immédiate de l’action. On doit également saluer la performance remarquable des acteur‧ice‧s qui donnent littéralement vie au texte et qui se sont pour l’occasion entraînés en vue de reproduire les mouvements de boxe (tant ceux de l’entraînement que des combats). On assiste à une performance physique, intense, charnelle et totale de leur part. Bitch Boxer est une pièce originale, surprenante, à voir absolument.
Informations complémentaires
- Production: Théâtre Escarpé
- Texte: Charlie Josephine
- Traduction : Samantha Clavet
- Mise en scène : Hubert Bolduc, assisté d’Anne-Virginie Bérubé
- Interprétation: Anne-Virginie Bérubé, Charlie Cameron-Verge, Samantha Clavet.
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