Jusqu’au 3 mars, on peut profiter de Bon réveil, Hamelin!, pièce des finissant‧e‧s en Jeu et Scénographie du Conservatoire d’art dramatique de Québec. L’occasion rêvée de constater combien la relève du milieu théâtral est de qualité, pleine d’une belle énergie et de maturité.

La pièce nous transporte dans un univers de conte, à l’esthétique digne d’un univers médiéval réinventé par Charles Perrault ou les frères Grimm. Un village où tout va toujours bien, où l’on chante pour s’exprimer, où chaque jour ressemble au précédent et où chacun a un rôle bien précis. Tout débute un mardi, jour de la traditionnelle fête hebdomadaire où l’on danse, on chante, on participe à un moitié-moitié et on déguste le fameux gâteau “Forêt fourré aux fruits froids” préparé par le boulanger depuis aussi longtemps qu’on se souvient.

Mais, car il y a toujours un mais au merveilleux pays des contes de fées, aujourd’hui, le fils de la mairesse a décidé de voler les fruits froids. Et trop occupé à être heureux, le boulanger ne l’a pas remarqué. Le gâteau qui est servi ce soir-là a un goût un peu différent et si le banquet finit en débauche infinie (un grand moment de charivari carnavalesque aux accents rabelaisiens, excessivement drôle et irrévérencieux à l’image de nombreux autres moments dans la pièce), le réveil du lendemain matin est pour le moins difficile pour les villageois‧es. Faute de fruits froids, chacun sort péniblement de la dictature du bonheur et l’hypocrisie de la devise du village (“tous joyeux, tous heureux et que crèvent les malheureux”) saute au visage de toutes et tous. Le mal-être, les frustrations intimes et les tourments formant un cocktail redoutable pour qu’arrive une catastrophe, c’est assurément un drame qui se profile. Ce qui a commencé comme un conte à la saveur Disney se transforme alors en folie collective que rien ne saurait arrêter. L’arrivée du joueur de flûte au milieu de cette déliquescence collective permettra un temps de soigner les âmes. Mais comme dans le conte bien connu, le refus de payer les services rendus aura des conséquences.

Les finissant‧e‧s en Jeu travaillent à l’écriture de leur création collective depuis septembre dernier. On ne peut que reconnaître toute la qualité du texte et de l’interprétation de cette relève du milieu théâtral. Réussir une comédie sur le thème de la santé mentale sans poncifs, sans lourdeur ni outrance est un défi relevé brillamment par cette jeune troupe à l’énergie des plus communicatives. Les textes de Bon réveil Hamelin! sont bourrés d’humour et de références qui permettent d’entrevoir de nombreux niveaux de lecture. Jouant avec les codes du conte traditionnel, Bon réveil, Hamelin! offre aux spectateurs des personnages bien construits, complexes et qui évoluent tout au long de la pièce. Leurs traits caricaturaux servent habilement le propos de la pièce, qui invite à s’interroger sur nos capacités à affronter les problèmes de santé mentale, à la fois collectivement et individuellement.

Nous avons adoré la scénographie, en particulier l’univers cohérent du village, qui évolue sur la scène au fur et à mesure que la petite société parfaite se délite et les maisons s’éloignent les unes des autres comme les villageois s’isolent. Ce décor riche et polyvalent, conçu par Jeanne Murdock, propose une esthétique nourrie de multiples références et rappelle parfaitement l’univers du conte traditionnel. Ce décor est agréablement mis en valeur par les éclairages de Charlotte Poirier (à qui l’on doit également les accessoires dont on pourra apprécier toute la diversité et la minutie), qui parviennent à faire évoluer l’ambiance sans que l’on s’en rende compte. Mentionnons également les costumes (Marie-Pascale Chevarie, scénographe invitée), dont l’extravagance n’est pas sans rappeler celle des costumes des personnages types de la Commedia dell’Arte.

Bon réveil Hamelin! est une pièce riche, extravagante et hilarante, qui aborde intelligemment des thématiques difficiles liées à la santé mentale. Vous n’avez que peu de temps pour en profiter, avant sans doute de revoir le talent des finissant‧e‧s du Conservatoire s’épanouir dans un théâtre près de chez vous…

Informations complémentaires

  • Au Théâtre du Conservatoire, 13 rue Stanislas, jusqu’au 3 mars.
  • Réserver votre billet.
  • Interprètes: Elfée Beauchesne, Philippe Bernier-Moisan, Béatrice Casgrain-Rodriguez, Mathieu Desroches, Flavie Dornier, Jacob Falcao, Leilia Gagné, Melissa Iguer, Astrid Miranda La Roche-Francoeur, Jeane Latreille, Pierre Maestracci, et Luka Provost
  • Décor: Jeanne Murdock
  • Éclairage et accessoires: Charlotte Poirier
  • Costumes: Marie-Pascale Chevarie (scénographe invitée)
  • Mise en scène: Alexandre Fecteau