Nous publions chaque mois un extrait de l’autobiographie de Malcolm Reid, écrivain résidant depuis de nombreuses années dans le Faubourg, et citoyen engagé. Il habite Québec depuis longtemps, mais pas depuis toujours. Ici, par tranches, il écrit le récit de son chemin vers… Chaque premier samedi du mois, nous vous proposons un chapitre de « Roosevelt Avenue ».
En 1961, j’ai quitté notre maison sur Roosevelt Avenue. La maison a été vendue, et Roosevelt Avenue a commencé à être un souvenir dans ma tête. C’est ce souvenir, mon récit.
Pour ficeler le récit, j’aimerais parler du quartier où Roosevelt Avenue se trouvait. Mon quartier. Westboro, il s’appelait.
Quand je suis né (1941), Westboro était un village à l’ouest de la ville d’Ottawa. Mais très vite, il est devenu un quartier urbain à l’intérieur de la ville. Quand j’avais dix ans (1951), je voyais ce quartier urbain autour de moi.
Pourquoi raconter Westboro?
C’est ma façon d’esquisser un portrait de la culture canadienne-anglaise.
Les Québécois posent le Canada anglais en persécuteur du Québec et de la francité, souvent. Au-delà, du Canada anglais, leur image est plutôt grise.
Et les analystes canadiens-anglais?
Ils préfèrent parler du Canada au complet, Québec inclus. Pour désigner le Canada anglais, ils ont forgé l’expression « R.O.C » (le Reste du Canada).
Cette expression moqueuse n’est pas la mienne. Mais j’ai essayé, dans ce récit, de faire « some serious searching for English-Canadian culture ».
Une culture intéressante, je trouve. Une culture de l’Occident néo-libérale; mais avec une aile gauche irréductible, bruyante, vive (les analystes québécois, le plus souvent, manquent ce détail. Cherchent-ils quelque chose de bruyant et vif du côté anglophone? C’est aux États, habituellement, qu’ils trouvent…).
À Westboro, à 12 ans, j’ai joué au hockey peewee dans une ligue organisée par le Westboro Kiwanis, un club d’hommes d’affaires. J’ai joué la position de défenseur-de-gauche, sur une patinoire en plein-air. J’étais très poche. Mais je me garrochais et j’ai subi une blessure de clavicule dans une collision avec un joueur adverse.
Une semaine à l’Ottawa Civic Hospital!
Et j’ai deux souvenirs très forts.
Le premier, ce sont des réunions dans le sous-sol chez nous sur Roosevelt, où on incitait les Kiwanis à former cette ligue. Le deuxième, c’est le souper aux bines où, à la fin de la saison, les gens du Kiwanis ont décerné la coupe aux champions, et nous, des perdants, on a applaudi.
C’était à l’époque de Maurice Richard et de Gordie Howe en hockey pro. Alors c’était participer à une ère hockeyistique glorieuse. Et mon père m’a amené à de smatchs des Sénateurs d’Ottawa. Ils étaient dans la « Quebec League » alors, et parfois, ils triomphaient des As de Québec et des Cataractes de Shawinigan.
J’ai fait du scoutisme aussi. Notre meute de Louveteaux, les juniors du mouvement scout, était logée à la Westboro United Church, car il fallait que chaque meute ait une église marraine, que ce soit United, Anglican, Baptiste ou Catholique. J’ai gagné des badges avec mes premières peintures à l’huile. J’ai été amusé par un copain qui, à 12 ans, quand il était invité à monter des juniors (les Louveteaux) aux séniors (les Boy-Scouts), souriait espièglement et disait: « je ne veux pas graduer. J’aime mieux rester seulement louveteau ». J’étais amusé de voir combien le scoutisme canadien était calqué sur l’oeuvre de Rudyard Kipling: « Akeela » – « Bagheera » – « Shere Khan » – « Mowgli ».
Les chefs criaient: « Dyb, dyb, dyb! » voulant dire Do your best. Notre cri en réponse: « Dob, dob, dob ». Voulant dire: « We’ll do our best, do our best, do our best« .
Ces institutions formaient des parties de la culture conventionnelle de Westboro. Mais il manquait quelque chose. Il manquait le côté rebelle. Il manquait un lien. Une cohésion.
Cela, je l’ai trouvé quand j’ai trouvé le quartier Saint-Jean-Baptiste. Mais avant, quand j’ai fait du théâtre amateur à Westboro, par exemple, je commençais à le trouver. J’en parlerai.
Retrouvez ici le soixante-neuvième chapitre de Roosevelt Avenue.
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