Nous publions chaque mois un extrait de l’autobiographie de Malcolm Reid, écrivain résidant depuis de nombreuses années dans le Faubourg, et citoyen engagé. Il habite Québec depuis longtemps, mais pas depuis toujours. Ici, par tranches, il écrit le récit de son chemin vers… Chaque premier samedi du mois, nous vous proposons un chapitre de « Roosevelt Avenue ».
Il y a un moment où un jeune homme part de chez lui. Il veut un nouvel air autour de lui; et il veut un nouveau défi. Une jeune femme vit ce moment aussi, je pense. Ce n’est pas si différent pour elle.
(Dans le restaurant où je prends mon café chaque matin, un des jeunes serveurs a fait une annonce: « Je m’en vais planter des arbres en Colombie-Britannique. Je n’ai jamais été jusque là! J’ai entendu dire qu’ils ont des affinités avec nous autres, je vais tester ça sur le terrain »).
Pour moi, c’était l’été 1961 qui était le moment de ce départ. C’est vrai, j’avais déjà quitté Westboro, mon quartier natal à Ottawa, une couple de fois. Pour étudier, et pour gagner ma vie comme relationniste sur les paquebots. Mais j’avais toujours eu Roosevelt Avenue où je pouvais retourner, et retrouver ma famille. Cette fois, c’était différent.
J’avais enfin une vraie job de journaliste. J’allais être reporter au Sherbrooke Daily Record. Sherbrooke! Une petite ville que je n’avais jamais vue.
Ce petit quotidien avec souvent servi d’école de journalisme pour des journalistes débutants. Mais pour avoir cette job, il fallait parler français, le journal publiait en anglais, mais Sherbrooke était désormais une ville francophone, depuis longtemps.
Je me suis dit: « Sherbrooke va me permettre de… je ne dis pas de perfectionner mon français… »
« mais de l’améliorer, oui! ».
Ma famille étant dispersée, la maison familiale sur Roosevelt Avenue serait vendue quand je reviendrais. Les quatre membres de la famille Reid seraient à quatre endroits différents. « C’est la vie » murmurais-je.
Avant mon départ, j’avais lu dans le Ottawa Journal une petite dépêche sur Sherbrooke. Les imprimeurs du Record s’étaient groupés en syndicat. Un travailleur nommé Gustave Steenland avait mené le mouvement. Mais Steenland était désormais congédié par le journal. Le syndicat avait survécu; le leader, non.
J’ai discuté un peu de cela avec Charlotte, ma mère. But she simply urged me to go ahead. « Tu es chanceux d’avoir cette offre d’emploi. Saisis-la, Malc ».
Une autobus m’amène à Sherbrooke. Je me trouve un petit appartement en haut d’une pizzeria. Il manque une boîte à malle? Je dis au proprio: « Je ne veux pas manquer mon courrier ». Je suis internationaliste, je suis abonné au New Statesman (Londres) et à L’Express (Paris)! Je me demande comment découvrir ma nouvelle ville. Mon point de repère est l’édifice du record, situé sur la rue Wellington-Sud depuis un siècle. L’imprimerie est au niveau de la rue, la salle de rédaction en haut d’un escalier. Je monte les marches et je rencontre le rédacteur-en-chef, Hugh Adams. Je rencontre le chef des nouvelles, Gerry McDuff. « Welcome aboard, Malcom » me dit Hugh, un patron doux. « Malcolm, j’inscris les nouvelles à couvrir chaque soir dans l’assignment book » dit Gerry, un jeune homme de Montréal-Nord qui est déjà un vétéran du Montreal Star. Il a un peu un air de détective coriace, mais il a un grand cœur.
Quand on revient d’une assignation, qu’on est plein de verbiage sur les faits qu’on a découverts et les entrevues qu’on a faites, il dit: « Raconte-moi pas ça. Écris moi le! ».
J’explore. J’arpente les rues de Sherbrooke dans le soleil de l’été. Les feuilles des arbres sont silhouettées contre le bleu du ciel. Je descends la longue colline de la rue King. Je descends de ces ailes de bronze déployées que je vois dans le monument de guerre, les ailes de l’ange qui veille sur les soldats tombés, en 1914, en 1944, l’ange tout au sommet de la rue King. Je descends King jusqu’en bas, jusqu’à son intersection avec la rue Wellington, le point central de la ville.
Je pense à Roosevelt Avenue, aux jobs que j’ai faites à Ottawa. Je pense aux reportages que je vais faire, avec Hugh et Gerry. Ils seront les hommes-clés de ma vie professionnelle ici.
Mais je pense aussi au syndicaliste Gus Steenland. Je flaire que j’ai une rencontre qui m’attend avec cet homme, dans pas très longtemps.
Lui va peut-être s’avérer le véritable homme-clé de mon séjour dans la petite ville de Sherbrooke, Québec.
Retrouvez ici le soixante-treizième chapitre de Roosevelt Avenue.
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