Entre réalisme et satire, Interdit de flâner, présentée au Premier Acte, présente l’histoire d’un adolescent dealer, mêlant humour, dilemmes moraux, et une critique de la petite criminalité dans un décor urbain bien familier.

Interdit de flâner explore la vente de cannabis en milieu scolaire à travers la perspective semi-autobiographique d’Étienne, adolescent aux airs inoffensifs qui par désir de passer pour un gars cool, devient en 2012 – autant par hasard que par goût de l’interdit – dealer de pot de son école secondaire puis de son cégep. Sorte de conte urbain ayant pour personnages principaux des p’tits bums de quartier qui se prennent un peu trop au sérieux, ce monologue humoristique nous entraîne dans les méandres de la vie d’un petit dealer d’avant la légalisation de la marijuana, un p’tit cul qui se prend pour Le Parrain mais qui doit tout de même aller chercher son stock en prenant un métrobus jusqu’à d’Estimauville, faute d’avoir son permis. Un petit jeune qui présente bien et qui évite ainsi tous les soupçons et qui prend un malin plaisir à manier un nouveau jargon tout en développant des compétences en gestion de bad trip. Le tout dans un univers très familier, que l’on vous laisse savourer avec tout le plaisir que l’on peut avoir quand on connaît un peu la ville de Québec.

Bien entendu, tout se passe autour d’un canapé passablement défoncé, véritable personnage en soi, espace de transition entre enfance et âge adulte, lieu semi-public et refuge pour adolescents exilés au sous-sol ou au garage. Ce vieux canapé accueille autant les discussions sérieuses que les rires ou les confidences, les moments d’insouciance ou de profonde introspection… Avec tout le sérieux qu’on peut avoir quand on est high. Il y a dans Interdit de flâner des influences et références manifestes à la série That ’70s Show, à Jay et Silent Bob, au Parrain et aux Sopranos, autant de références à la culture populaire qui nourrissent parfaitement l’œuvre. Férocement drôle, la pièce est aussi un pied-de-nez savoureusement provocateur à l’interdiction de fumer sur scène (une saga judiciaire toujours en cours). “Les effets de fumée seront très abondants” nous prévient-on; on réalise rapidement qu’il ne s’agit pas d’un euphémisme, il y a dans Interdit de flâner beaucoup de fumée. Tout le monde fume. Tout le temps. Même le canapé fume, mais on pouvait s’y attendre, vu son aspect défoncé.

Une œuvre multidisciplinaire 

Interdit de flâner est une réalisation du collectif Dites-le pas à ma mère, formé en janvier 2022. Ce projet multidisciplinaire est leur première création théâtrale, réunissant des artistes de divers domaines. Le collectif valorise la combinaison de médiums visuels, musicaux, et textuels pour renforcer la narration et intégrer le public dans l’histoire. Ainsi, bien qu’il s’agisse principalement d’un monologue, Antoine Paré-Poirier n’est pas seul sur scène. Alternant entre personnages et performances, l’artiste visuel Joé Côté-Rancourt et le musicien Pascal Larose-Piché nourrissent le spectacle de projections créées en temps réel et d’un univers sonore, permettant de faire évoluer lieux et personnages sous nos yeux, tantôt de manière réaliste, tantôt de manière hypnotique. Le dispositif est ingénieux et sert bien le propos. On vous conseille d’ailleurs d’arriver un peu à l’avance au théâtre, car des choses se passent sur scène avant même le début (surtout si vous aimez Minus & Cortex et les Cheetos).

Interdit de flâner, qui aborde la vente de drogue sans glorification ni jugement moral. Elle s’intéresse aux comportements des jeunes dans une période charnière de leur vie, face aux influences de leur entourage et aux influences culturelles de la drogue. La pièce dépeint de manière sensible les dilemmes de l’adolescence, avec humour et une touche de lumière, tout en laissant des questions ouvertes pour les jeunes qui s’y reconnaîtront (et les personnes qui ont déjà été jeunes). Mélangeant humour et moments sombres, Paré-Poirier nous entraîne dans un récit empreint de réalisme, d’humanité et de questionnements sur les valeurs, les choix et les impacts de la petite criminalité, avec une juste dose de cynisme et de satire sur l’entrepreneuriat et l’ambition.

Un début prometteur pour un jeune auteur et une compagnie que l’on suivra avec intérêt dans les prochaines années.

  • Billets et informations complémentaires
  • Production : Dites le pas à ma mère
  • Texte : Antoine Paré-Poirier
  • Mise en scène : Melissa Bouchard
  • Assistance à la mise en scène : Lauréanne Dumoulin et Pascale Chiasson
  • Conception : Laurie Carrier, Pascal Larose-Picher et Joé Côté-Rancourt
  • Direction technique, régie et conception décor et lumière : Simon Rollin
  • Direction de production : Pascale Chiasson
  • Mentorat : Carol Cassistat, Anne-Marie Olivier (écriture) et Louis-Robert Bouchard (arts numériques)
  • Interprétation : Antoine Paré-Poirier